F@t Boy
Born to grill
La vie calme que nous menons se poursuit jusqu'à l’aurore de cette journée. A trois heures du matin, nous sommes réveillés par un violent tir de barrage déclenché par la D.C.A. Nous entendons le bruit des moteurs d'avions, puis tout retombe dans le calme. Le tir de la D.C.A reprend vers cinq heures, ne pouvant me rendormir, je me lève et j'allume le poêle pour faire du café. Pendant que l'eau chauffe, je sors devant la porte afin de me rendre compte de ce qui peut motiver un tel tir ! Quelques soldats du 185 R.A.C.T sont en train de regarder les avions passer. Un groupe de sept bombardiers allemands passe venant de l’ouest et se dirigeant vers la frontière Belge. Un peu plus loin, nous apercevons deux nouveaux bombardiers poursuivis par un avion de chasse français. Le chasseur fait des acrobaties au-dessus des bombardiers et nous entendons le tic- tac de sa mitrailleuse. Tout à coup un des bombardiers descend touché sans doute par les balles de l'avion de chasse. A ce moment une explosion retentit dans la direction de Lamouilly,, c'est le bombardier qui vient de lâcher sa dernière bombe, avant de s'abattre en flammes. Un nuage de fumée noire s'élève au-dessus des bois d’Olizy. La bombe est tombée entre Olizy et Nepvant sans causer aucun dégât. L'un des artilleurs aperçoit une boule grisâtre dans le ciel, peu à eu nous distinguons plus nettement ce que c'est, un parachute qui descend. Nous voyons distinctement le parachutiste dont les jambes remuent affin de diriger sa descente et pour éviter autant que possible d'atterrir dans la prairie qui est inondée. Un peu plus tard la D.C.A reprend son tir sur de nouveaux avions qui viennent de surgir venant de Belgique. Tous ces avions, ces tirs de barrage auxquels nous ne sommes pas habitués, tout cela nous semble anormal et nous nous doutons que quelque chose vient de passer cette nuit. Il est encore beaucoup trop tôt pour avoir les informations de la radio française qui ne commence qu'à 6h30. A 6h20 je dois partir à bicyclette pour me rendre à l'usine où je dois prendre mon travail à 6h45. En cours de route, j'apprends que le parachutiste est tombé dans la prairie en face de la nouvelle forge. Des soldats l'ont arrêté et emmené à la gendarmerie. C'est un des aviateurs dont l'avion a été abattu prés d’Olizy. En arrivant à l'usine nous apprenons la violation des territoires belges, Luxembourgeois et Hollandais par les armées allemandes. Je crois que maintenant la bataille commence. La matinée se passe sans incidents. A midi nous apprenons par la radio qu'au cours de la nuit les bombardiers allemands avaient bombardé plusieurs villes dont parmi elles : Pontoise, Luxeuil et Cannes. Au début de l’après midi, la sirène de Stenay sonne l'alerte. A l'usine pas d'arrêt dans le travail, à quoi bon d'ailleurs puisque nous n'avons même pas un abri. La D.C.A entre en action et les avions passent entre Stenay et Mouzay se dirigeant vers Wuiseppe ou est installé un terrain d'aviation. Peu après un nuage de fumée noire monte de Wuiseppe nous faisant croire que le pays est en feu. Il n'en est heureusement rien et ce sont des champs en friches dont les herbes brûlent. Le camp d'aviation n'a pas reçu de projectiles, les bombes sont tombées à côté. A six heures du soir la sirène de l'usine nous annonce la fin de travail. Quand nous sortons de vrombissements de moteurs se font entendre, mais le ciel étant très nuageux nous ne pouvons distinguer les avions. Sur la route de la gare c'est une animation inaccoutumée : convois de troupes, chars d'assaut, convois de ravitaillement qui montent vers la Belgique, permissionnaires rappelés et en sens inverse des réfugiés belges à bicyclette. Le soir nous apprenons par Rouqués qui vient de passer à Stenay, qu'un avion allemand est descendu en rase motte sur la ville et qu'il a mitraillé la grande rue, il y aurait eu plusieurs victimes parmi les soldats. Nous écoutons la radio mais elle ne nous apprend pas grand-chose. Toutes les troupes montent pour aider les Belges. Elle donne des recommandations pour les bombardements, mais sur les opérations en cours c'est le silence absolu. Nous écoutons Radio Bruxelles qui annonce que des avions sont signalés au-dessus du territoire belge et aussitôt le poste reste muet. Enfin voyant que nous n'apprendrions pas grand-chose par la radio, nous allons nous coucher avec l'espoir de n'être pas trop dérangé au cours de cette nuit.