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Fin des nominations dans l’enseignement… La mesure annoncée dans la déclaration de politique communautaire a rapidement fâché dans un secteur où le « statut » est considéré comme le Graal après de nombreuses années d’horaires découpés et remis en question annuellement… A contrario, la promesse d’un CDI (contrat à durée indéterminée) taillé sur mesure pour la profession est censée venir gommer les difficultés du début de carrière et, ainsi, enrayer la pénurie ambiante. Sur papier, le projet peut paraître séduisant. Pourtant, selon l’économiste de l’Institut pour un développement durable, Philippe Defeyt, grand amateur de projections statistiques, la réalité serait moins engageante. Il le détaille dans une étude qu’il nous a fait parvenir. Voici pourquoi.Quelqu’un aurait l’article complet ? Je suis intéressé de voir l’avis
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Quel statut précis
L’économiste commence par rappeler les quatre avantages du statut de fonctionnaire : une plus grande stabilité dans l’emploi en cas de tensions avec la direction, une garantie de garder son emploi/revenu même sans charge horaire, une meilleure pension (quoique l’Arizona soit bien résolue à modifier pour partie cet élément) et une indemnisation à 100 % des périodes de maladie pour un temps limité. Qu’en sera-t-il avec un CDI spécifique à l’enseignement (un CDI-E) ? On pourrait très bien garder certains de ces avantages. Les syndicats par exemple ne rejettent pas un CDI qui déboucherait sur… une nomination. Philippe Defeyt donne un autre exemple : « On pourrait garder le statut dans sa dimension “protection” mais modifier les paramètres des revenus des retraites et/ou des périodes de maladie. »
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Le contexte démographique
Pas simple d’instaurer un CDI-E dans un contexte de baisse généralisée de la population scolaire amorcée depuis la fin des années 2010. On s’attend d’ailleurs à une accélération du phénomène : 5.000 élèves par an en moins en primaire d’ici 2029. Logiquement, le phénomène touche le secondaire avec un décalage de quelques années : avec 387.800 inscrits en 2025, on est désormais au sommet de la vague et on devrait voir disparaître 13.000 élèves d’ici la fin de la législature.
En conséquence, entre 2023 et 2029, on devrait perdre mathématiquement environ 2.000 emplois en primaire. Pour le secondaire, sachant que le niveau de la population impacte l’emploi avec retard, ce chiffre devrait encore augmenter jusqu’en 2026 avant de décroître lentement.
Difficile dans ces conditions, et nous y voilà, de proposer des CDI garantissant un emploi : « Toute diminution de la population scolaire réduit d’autant la possibilité de proposer des CDI (avec des mécanismes plus ou moins généreux de maintien à l’emploi) », dit Philippe Defeyt. « Or, mener cette réflexion est d’autant plus important que les contours de la garantie d’emploi apportée par la réforme prévue ne sont pas encore clairs. Sans éventuelles spécificités, un CDI dans l’enseignement n’apporte pas la même garantie qu’une nomination classique. » On résume en une question : comment, avec de telles variations attendues dans la population scolaire, proposer un CDI garantit une carrière plus rassurante dès le départ et dans la durée ?
La composante géographique
La remarque du point deux s’épice quand on la saupoudre de données géographiques. Entre 2023 et 2034, Bruxelles va perdre près de 11.000 élèves de secondaire (- 12,7 %) tandis que la Wallonie va en perdre 27.655 (- 9,2 %). Ces moyennes régionales se doublent d’écarts importants au niveau des arrondissements (là où se forment généralement les carrières d’enseignants) : - 15 % environ à Arlon, Virton ou Philippeville ; - 10 % environ à Tournai, La Louvière ou Huy mais - 5 ou - 6 % à Soignies, Liège, Charleroi ou Bastogne.
A contrario, toujours entre 2023 et 2034, la part d’enseignants qui aura quitté le métier dans les dix ans (ceux qui ont plus de 55 ans) varie dans une fourchette étroite de 15 à 20 %. On peut penser que les départs naturels suffiront à compenser la perte globale de charges de cours, voire à empêcher des licenciements de CDI, mais c’est mathématiquement trop simple, analyse l’économiste : « Plus on descend dans la granularité (enseignants dans telle matière, dans tel réseau, dans tel arrondissement…), plus la combinaison d’un recul de l’emploi (on a vu qu’il pouvait baisser plus fort dans certains arrondissements) avec d’autres évolutions peut conduire à des licenciements. La question de savoir qui assumerait le coût d’éventuels licenciements est posée. » De plus, affine-t-il, « la diminution des populations scolaires conduira à une baisse de la taille moyenne des établissements, ce qui rend plus compliqué encore le maintien à l’emploi ou le maintien dans un temps plein, surtout si on devait aller vers une plus grande autonomie des écoles dans le choix des équipes éducatives ».
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Saturer l’horaire
Pour atteindre l’objectif sans surcoût – des emplois stables à temps complet –, il faudrait parvenir à « saturer » l’horaire des professeurs, soit leur donner exactement le nombre d’heures que prévoit leur temps plein (par exemple, 24 périodes de 50 minutes en primaire). A ce sujet Philippe Defeyt relève toute une série de conditions à remplir : organiser une fluidité entre les écoles, qu’elles soient ou non d’un même réseau, coresponsabiliser des PO géographiquement proches en leur permettant de fonctionner comme un groupement d’employeurs, élargir la mobilité entre le secondaire inférieur et supérieur, assouplir la législation sur les titres et fonctions, valoriser le temps de déplacement entre établissements, maintenir l’ancienneté en cas de passage entre établissements/réseaux… Rien que du bon sens… qui supposerait toutefois de nombreuses modifications sociolégislatives.
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Le coût
Philippe Defeyt n’y va pas quatre chemins : la politique proposée (des CDI en lieu et place des nominations pour les nouveaux enseignants à partir de 2027) coûtera plus cher que la situation actuelle, pour trois raisons. Un, les cotisations patronales pour un CDI sont plus élevées que pour un statutaire. Deux, en endiguant la pénurie – ce qui est le but recherché –, on augmente la masse salariale. Trois, ces contrats CDI ne devraient pas s’interrompre durant les périodes de congé comme c’est le cas actuellement pour les contractuels en attente de nomination. A l’inverse, les périodes de maladie des CDI seraient à charge du fédéral et non plus de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Mais pas de quoi, semble-t-il, compenser les surcoûts envisagés.