On pourrait écrire des thèses sur ce personnage tortueux et torturé, passionnant et passionné de musiques en tous genres, dont les prods ont une sonorité bien particulière et reconnaissable parmi tant d'autres.
Le génie du label Stones Throw est un expérimentateur, un chimiste qui n’a pas son pareil pour sortir de son chapeau des inspirations toutes aussi inattendues que salvatrices: là il se gorge de l’ambiance des anciens films de série B, ici il a rendez-vous avec les grosses productions de Bollywood, pour nous immerger ensuite dans un trip de library psychédélique et enivrant...
Et sans parler du jazz, qu'il a réussi à relever à un niveau enthousiasmant dans les productions de hip hop, où ce genre faisait un peu défaut.
De ses collaborations hétéroclites dans la musique, il est devenu au fil des années ce que l’on pourrait appeler une "pieuvre" musicale dont les innombrables tentacules touchent tous les matériaux, pourvu qu’ils soient exploitables.
En clair, le surdoué va faire ses emplettes dans les brocantes sonores pour y piocher des exemplaires que beaucoup de producteurs pourraient laisser de côté.
Voix gonflée à l’hélium (parce qu'il trouve la sienne trop grave), basses tribales, samples cinématographiques, jingles de pubs…, tout y passe pourvu que la matière finale ait un sens particulier.
Une démarche tellement rare de nos jours qui lui a valu de figurer parmi les plus grands et d’avoir construit un héritage conséquent et impressionnant.
Otis Jackson Jr. ne s’est jamais caché à mettre en avant les scènes et les univers qui l’habitent.
Pour certains, il va beaucoup trop loin dans l’innovation, mais pour les autres, il reste le personnage doté de plusieurs identités et d'une imagination fertile et sans limites, celui qui tente, qui expérimente plusieurs courants, qui s’immerge dans une vague singulière pour essayer d’en sortir un trip viscéral.
Là où réside le souci, c’est qu’il est dur de donner un avis définitif sur son travail. Pourquoi ? Car ses inventions, son mental éclairé et sa constante motivation à détruire les barrières conventionnelles, font de ses œuvres de grandes pièces mobiles qui ne resteront pas figées par le temps.
On n’égale pas le Madvillainy ou les ouvrages du fictif Quasimoto bien sûr, et pourtant on sent que le meneur de Stones Throw a voulu ratisser plus large en explorant à la fois le Hip Hop pur et dur (via ses variantes Jazzy), et le gros trip instrumental créatif.
Au final, ses sagas The Beat Konducta, et Medicine Show (que je te conseille fortement), exploitent et exposent finement ses aptitudes sans pour autant fixer le tout au firmament de sa discographie.
Biographie et discographie, chez Stone Throw Records