Quelle est la situation actuelle des droits humains en Corée du Nord ?
Interdictions d’accès au territoire
Les informations restent sévèrement contrôlées, tout comme l’accès au territoire. En dépit de demandes répétées, le gouvernement a continué de refuser l’autorisation de pénétrer sur le sol nord-coréen au rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans la République populaire démocratique de Corée, au rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation des Nations unies, mais aussi à Amnesty International et à d’autres observateurs indépendants de la situation des droits humains. Cette interdiction d’accès au territoire faite à Amnesty International et à d’autres observateurs indépendants compromet les recherches sur la situation des droits humains. Toutefois, certaines informations font état d’une politique gouvernementale qui se traduit par des violations systématiques des droits fondamentaux, notamment des exécutions, des actes de torture, des incarcérations de prisonniers politiques et des conditions de détention inhumaines.
Au mois d’octobre 2004, le Programme alimentaire mondial (PAM) a indiqué que son personnel opérant en Corée du Nord n’était pas autorisé, «pour des raisons de sécurité», à venir contrôler librement les distributions d’aide. Selon des représentants du PAM et d’ONG, les conditions dans lesquelles ils opèrent se sont dégradées fin 2004 et début 2005. Les Nord-Coréens ont fermé plusieurs régions, demandé au PAM de réduire le nombre de ses expatriés chargés du contrôle de 15 à 10 et commencé à refuser les visites de surveillance. Du fait de cette obstruction systématique du gouvernement et de son refus d’autoriser les visites d’observateurs, il était difficile d’évaluer précisément les besoins de la population en matière d’assistance alimentaire. Cependant, depuis février-mars 2005, la Corée du Nord a commencé à assouplir certaines de ces restrictions ; le PAM a de nouveau été autorisé à se rendre dans la plupart des régions qui avaient été fermées et le nombre d’autorisations pour des visites de contrôle a augmenté, n’atteignant pas toutefois le niveau enregistré à la mi-2004.
Exécutions
Selon les informations dont dispose Amnesty International, les autorités ont procédé à des exécutions publiques – accompagnées d’une notification préalable aux écoles, entreprises et fermes – dans des lieux pouvant accueillir une foule nombreuse. Nombre des condamnés étaient accusés de crimes économiques (par exemple le vol de plus de cinq vaches). Certains prisonniers auraient été exécutés en présence de leur famille. Les condamnés sont fusillés ou pendus. En mars 2003, le gouvernement a annoncé qu’il allait mettre un terme aux exécutions publiques. Toutefois, des informations font état d’exécutions publiques survenues en mars 2005, dans les villes de Hwanyong et Yuson, situées dans le nord-est du pays. Selon des informations non confirmées, en janvier, les autorités ont procédé aux exécutions en public de quelque 70 Nord-Coréens, qui avaient été renvoyés de force par la Chine. Des personnes accusées de faire du prosélytisme ou de pratiquer dans des Églises clandestines auraient également été mises à mort.
Liberté d’expression
Aucune opposition quelle qu’elle soit n’est tolérée. Selon certaines sources, toute personne qui exprime une opinion contraire à la position du parti au pouvoir, le Parti des travailleurs coréens (PTC), s’expose à de lourdes sanctions, tout comme, bien souvent, sa famille.
Les médias d’information nord-coréens font l’objet d’une censure scrupuleuse et il s’avère difficile d’accéder aux diffusions des médias internationaux. D’après certaines informations, depuis le milieu des années 90, au moins 40 journalistes ont été soumis à une «rééducation» parce qu’ils avaient commis des erreurs comme, par exemple, celle d’avoir mal orthographié le nom d’un haut fonctionnaire. Les postes de radio et les téléviseurs sont réglés de façon à ne capter que les programmes nationaux ; les personnes qui écoutent des stations de radio étrangères sont passibles de sanctions.
Toute assemblée ou association non autorisée est considérée comme une «perturbation collective», susceptible d’être sanctionnée. Bien que garantie par la Constitution, la liberté religieuse se trouve dans les faits considérablement restreinte. Certaines informations indiquent que les activités religieuses publiques et privées des Nord-Coréens sont âprement réprimées, au moyen d’emprisonnements, d’actes de torture et d’exécutions. De nombreux chrétiens seraient maintenus en détention dans des camps de travail, où les conditions seraient extrêmement pénibles.
Torture et mauvais traitements
Selon des informations non confirmées, les actes de torture et les mauvais traitements sont monnaie courante dans les centres de détention, les prisons et les camps de travail. Les conditions de détention y seraient très pénibles. Des Nord-Coréens renvoyés de Chine ont été interpellés à leur retour et placés dans des centres de détention ou des postes de police dépendant de la Sécurité nationale ou de la Sécurité populaire. Ils ont été soumis à des interrogatoires.
Les passages à tabac seraient fréquents au cours des interrogatoires. Les prisonniers surpris en train de communiquer reçoivent des coups de bâton ou de barre de fer. Ils seraient ensuite aspergés d’eau froide sur tout le corps, et ce même en plein hiver. Certains détenus auraient été soumis au «supplice de l’eau», qui consiste à attacher une personne et à la forcer à avaler de grandes quantités d’eau.
Les conditions de vie dans les prisons et les centres de détention – fortement surpeuplés – se sont encore détériorées, notamment en raison de la pénurie alimentaire au début des années 90. Celle-ci aurait, de plus, entraîné des morts pour cause de malnutrition dans les camps de rééducation par le travail et les «centres de contrôle et de gestion». Les prisonniers accusés de transgresser le règlement voient leur ration alimentaire encore diminuée.
En juin 2004, le Comité des droits de l’enfant (CDE) s’est déclaré préoccupé par les informations faisant état de violences à l’égard de mineurs dans certaines institutions, notamment dans les centres de détention et les structures sociales.
Réfugiés
Des centaines de Nord-Coréens ont tenté de pénétrer dans des missions diplomatiques ou des écoles étrangères à Pékin. Des centaines se trouveraient dans des missions diplomatiques, où ils attendent d’être autorisés à quitter la Chine. En octobre 2004, le gouvernement chinois a affirmé que les missions en question se montraient trop tolérantes. Des milliers de Nord-Coréens auraient été appréhendés dans le nord-est de la Chine, en 2004 et au premier semestre 2005, et renvoyés de force en Corée du Nord. On sait peu de choses sur ce qu’il est ensuite advenu d’eux mais un certain nombre de sources font état de longues séances d'interrogatoire et de tortures, ainsi que semble-t-il d’exécutions.
En juillet 2004, au moins 468 Nord-Coréens ont rejoint la Corée du Sud en transitant par le Viêt-Nam. Il s’agissait du plus grand groupe de demandeurs d’asile nord-coréens arrivés dans ce pays depuis la division de la péninsule. À la fin de l’année 2004, plus de 5000 Nord-Coréens avaient gagné la Corée du Sud et obtenu la nationalité sud-coréenne.
Le CDE s’est dit préoccupé par les informations signalant la présence d’enfants des rues d’origine nord-coréenne dans les villes chinoises frontalières. De plus, il regrettait vivement que ces enfants (et leurs familles), lorsqu’ils rentrent de leur propre gré en Corée du Nord ou sont expulsés de Chine, soient considérés non comme des victimes, mais comme des criminels.
Pénurie alimentaire
Des millions de Nord-Coréens continuaient de souffrir de famine et de malnutrition chronique. L’aide alimentaire n’est pas toujours parvenue à ceux qui en avaient le plus besoin, du fait des restrictions constantes imposées à la liberté de mouvement et d’information, mais aussi du manque de transparence et de surveillance indépendante.
Selon les estimations du PAM, près de la moitié des 23,7 millions de Nord-Coréens sont sous-alimentés et plus d’un tiers de la population (près de 6,5 millions de personnes) souffre de malnutrition chronique. Les rations octroyées par le système de distribution publique (SDP), qui constituent la base de l’alimentation pour plus de 70 p. cent de la population, auraient diminué et seraient passées de 319 grammes par jour et par personne en 2003 – ce qui était déjà insuffisant – à 250 grammes en mars 2005. En ville, les familles consacrent, semble-t-il, jusqu’à 85 p. cent de leurs revenus à l’achat de denrées alimentaires. Ces ménages dépendent fortement des marchés privés, où l’inflation est élevée et où les aliments de base se vendent 10 à 15 fois plus cher que sur le marché d’État.
Selon une nouvelle étude, les taux de malnutrition parmi les enfants en République populaire démocratique de Corée ont décliné au cours des deux dernières années, tout en demeurant relativement élevés. Rendant publiques les conclusions de cette étude ce jeudi 28 juillet 2005, les organismes des Nations unies ont déclaré qu’il fallait maintenir une aide internationale généreuse et bien ciblée afin de continuer à progresser.
En octobre 2004, en collaboration avec l’UNICEF et le PAM, le Central Bureau of Statistics (Bureau central des statistiques) et l’Institute of Child Nutrition (Institut pour l’alimentation infantile) du gouvernement nord-coréen ont effectué une étude sur l’alimentation infantile et maternelle à partir d’un large échantillon de Nord-Coréens sélectionnés au hasard. Cette étude a porté sur 4 800 enfants âgés de moins de six ans et 2 109 mères d’enfants de moins de deux ans, dans sept des neuf provinces nord-coréennes et dans la capitale, Pyongyang. Voici ses conclusions :
– Le taux de jeunes enfants soufrant de malnutrition chronique ou d’un retard de croissance (le rapport taille/âge) est passé de 42 p. cent (en 2002, lors de la dernière étude) à 37 p. cent ;
– la malnutrition aiguë, ou «étisie» (le rapport poids/taille), a décliné de neuf p. cent (en 2002) à sept p. cent ;
– la proportion d’enfants âgés de moins de six ans souffrant de déficience pondérale (le rapport poids/âge) a augmenté de 21 à 23 p. cent, ce même taux parmi les enfants âgés de un et deux ans – groupe le plus vulnérable en termes de nutrition – a diminué de 25 à 21 p. cent ;
– environ un tiers des mères nord-coréennes souffrent de malnutrition et d’anémie.
Les taux de malnutrition infantile variaient fortement selon les régions, les plus élevés étant enregistrés dans les provinces du Nord, traditionnellement pauvres en nourriture, et les plus bas dans les provinces du Sud, relativement fertiles et mieux loties, notamment Pyongyang.
Une grande partie de la population souffrait de graves carences alimentaires liées à un trop faible apport en protéines, lipides et micronutriments. Le CDE s’est déclaré préoccupé par l’augmentation du taux de mortalité chez les nourrissons et les enfants, par la forte prévalence de la malnutrition et du retard de croissance infantiles et par la progression alarmante de la mortalité maternelle. Par ailleurs, il a vivement déploré l’absence d’accès à une eau potable propre et la médiocrité du réseau d’assainissement.
Cette pénurie alimentaire extrême a contraint des milliers de personnes à passer «illégalement» la frontière pour gagner les provinces du nord-est de la Chine. Les personnes renvoyées risquent, à leur retour en Corée du Nord, d’être arrêtées, de subir des interrogatoires, voire d’être emprisonnées dans des conditions déplorables.