Je ne peux pas généraliser à toutes les écoles, donc les propos que je vais tenir reflètent ma propre expérience.
Dans mon école, j'ai vu une évolution très nette sur ces cinq dernières années quant au passage d'une classe à la classe supérieure ou à la sortie de terminale.
Lorsqu'il y avait un (ou deux) échec(s) il y a quelques années, il y avait éventuellement discussion pour trouver des éléments positifs afin d'éviter à l'élève une seconde session (surtout en terminale). Aujourd'hui, même situation, et il la discussion porte sur le "Pourquoi lui mettre une seconde session?". Soit l'élève n'a pas assez travaillé et "Tant pis pour lui", soit il n'a pas les capacités et donc "il a donné son maximum et ne pourra de toute manière pas faire mieux".
De manière générale, à partir de la quatrième, le redoublement devient de plus en plus rare. Il y a par contre un vrai "écrémage" en troisième : cette année quatre classes de troisième et on bouclera difficilement trois classes en quatrième à la rentrée dans un mois.
Les raisons sont multiples.
Premièrement, je crois que le monde a énormément changé. Les deux parents travaillent presque systématiquement. Les grands-parents sont parfois encore au travail quand les enfants sont en primaire. L'encadrement à domicile est de plus en plus laxiste. Les parents, après une journée de travail parfois harassante, n'ont plus l'énergie pour s'occuper sérieusement des enfants. Ceux-ci sont de surcroît de plus en plus submergés par une tonne de loisirs bien plus amusants que le travail scolaire. Ils sont hyper-connectés, et ce en permanence. Enfin, les héros qu'on leur montre à la télé-poubelle ne sont que rarement des lumières. Ils n'ont plus les mêmes modèles.
Deuxièmement, l'enseignement de base en maternelle et primaire a également changé. On leur parle de plein de choses, très intéressantes en soi, mais ils sont de nouveau submergés par plein de matières qu'ils survolent sans en maîtriser le dixième. Les élèves peuvent donc se montrer curieux mais où en sont les bases? Ecrire, comprendre, calculer...
Au final, on obtient un CEB "bidon" et lors du premier degré du secondaire, on retrouve des classes extrêmement hétérogènes avec des élèves suivis à domicile et qui ont de bons résultats sans se fouler et sans étudier d'une part et d'autre part des élèves qui ont réussi leur CEB avec 50% et dont on connaît déjà le futur parcours scolaire (à quelques exceptions près).
Avant, il existait une "2ème professionnelle". Les élèves qui étaient trop justes pouvaient bifurquer vers des études plus "pratiques" après une seule année dans le secondaire. Aujourd'hui, ces élèves doivent faire trois ans dans le premier degré avant de pouvoir être orientés vers du qualifiant.
Le résultat est un souvent des compositions de classe qui ne sont plus tirées vers le haut mais vers le bas. Les bons élèves s'en sortent sans étudier et n'ont toujours pas appris à le faire d'ailleurs.
Enfin, l'enseignement a profondément changé depuis notre "époque". Je me souviens de mes cours de français, d'histoire, de religion, de géographie où l'étude avait une part prépondérante.
L'évaluation était exclusivement théorique dans les petites années (1-2), puis petit à petit jusqu'à la terminale les questions devenaient de plus en plus ouvertes mais les réponses attendues étaient toujours évidemment étayées par des savoirs correctement étudiés. L'élève devait (souvent seul certes) trouver sa propre méthode d'étude qui fonctionnait dans chaque cours.
Aujourd'hui dans ces cours, les élèves sont essentiellement évalués sur base de compétences : argumenter, débattre, critiquer, émettre des hypothèses, comparer ...
Ainsi, avec un peu de réflexion et de bagou, une bonne partie des élèves s'en sortent avec un minimum d'étude.
Cela se voit moins dans des cours comme les mathématiques, les sciences et les langues et les examens de passage sont pour une immense majorité dans ces branches.
Depuis quelques années également, je vois arriver en quatrième des élèves qui ne sont certainement pas plus bêtes que nous l'étions. Ils sont peut-être même beaucoup plus curieux du monde qui les entoure, mais ... ils ne sont pas capables d'étudier. En quatrième, je dois faire de la méthode de travail avec la plupart, et avec la lourdeur du programme c'est très compliqué.
Là où certaines études sont intéressantes, c'est que cet apprentissage par "compétences" où le drill et la répétition sont "bannis" en faveur d'une soi-disant compréhension de l'élève est de plus en plus critiqué. Le cerveau est composé de différentes zones, notamment la zone des acquis et la zone qui s'adapte aux nouvelles situations ... si ce qui devrait normalement être acquis doit être analysé par la zone du cerveau "adaptative", celle-ci perd de son efficacité puisque occupée par des tâches qui ne devraient pas lui être assignées.
Attention, ces compétences sont intéressantes ... et finalement peut-être adaptées à une partie du monde actuel où la recherche de l'information remplace le savoir. Mais ce n'est pas ce qu'attendent les universités. Ce n'est pas ce qu'attendent une bonne partie des entreprises. Les universités attendent davantage des étudiants maîtrisant les bases, les outils essentiels. Des étudiants fiables.
Et oui dans de nombreux domaines étudiants ou professionnels, c'est une course à la productivité, pour être le meilleur. Les perdants sont souvent laissés de côté. Est-ce que l'école actuelle les y prépare? Certainement pas.
L'école d'il y a 20 ans le faisait-elle mieux? Je ne sais pas mais elle les confrontait peut-être plus aux difficultés et les préparait peut-être mieux à l'université.
Un autre problème, plus large, est l'inadéquation entre les filières choisies par nombre d'élèves et le monde professionnel. Aujourd'hui, on va "tenter" sa chance à l'université, parfois dans des branches totalement bouchées ... et tant pis si on foire. On fera autre chose après. C'est la liberté totale et c'est très bien .. mais avec un peu de réflexion et de réalisme par rapport à ses propres capacités et au monde professionnel, ce serait mieux.
On en ressort avec des échecs en secondaire, à l'université .. parce que l'élève/étudiant est mal orienté. J'ai des élèves qui sortent de terminale péniblement (et avec les standards de réussite actuelle ...) et qui ont détesté leurs études. Mais pas question de réfléchir à une orientation plus épanouissante parce que trop fade pour le faire, ou parce qu'il n'est pas question de réfléchir au technique. Un exemple concret : nombre d'élèves veulent "faire des sciences" ... mais combien, face aux difficultés, n'envisagent par exemple pas d'aller en technique (laborantin ou autre).
Pfff le pavé
Sebulba