Le texte sur la réforme des droits d'auteur fera l'objet d'une deuxième lecture ce vendredi en Conseil des ministres. Les cris d'orfraie de certains secteurs, IT en tête, doivent être fortement nuancés.
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Réforme des droits d’auteur : "Aucune profession n’est exclue"
Le texte sur la réforme des droits d’auteur fera l’objet d’une deuxième lecture ce vendredi en Conseil des ministres. Les cris d’orfraie de certains secteurs, IT en tête, doivent être fortement nuancés.
Le Vice-Premier ministre et ministre des Finances Vincent Van Peteghem (CD&V) va présenter en deuxième lecture son projet de réforme des droits d'auteur, niche fiscale qui a pris de l'ampleur ces dernières années.
Ce vendredi, en deuxième lecture, l’un des textes les plus débattus du moment prendra de nouveau place sur la table du gouvernement. Ce texte, c’est le projet de réforme des droits d’auteur, ce régime fiscal privilégié que de plus en plus de plus de professions ont adopté ces dernières années. Il était effectivement prévu que ce texte issu de la loi-programme "fourre-tout" de dispositions fiscales diverses régissant le sort fiscal et parafiscal des droits d’auteur et droits voisins soit présenté après avis du Conseil d’État. Ce dernier est tombé ! Et que dit-il ? En substance, pas grand-chose.
L’IT au front
L’institution estime qu’il n’y a rien à dire sur le principal argument des détracteurs du texte : son côté discriminatoire.
"Le Conseil d’État n’a pas formulé d’observations explicites concernant une éventuelle violation du principe constitutionnel d’égalité. On pourrait en déduire que le rétrécissement du champ d’application matériel du régime (de sorte que seuls les "vrais" artistes soient encore éligibles, et donc pas, par exemple, des concepteurs de logiciels informatiques) ne serait pas nécessairement discriminatoire", explique Denis-Emmanuel Philippe, avocat chez Bloom Law. Le Conseil d’État se montre un peu moins réservé sur l’objectif principal du projet de loi qui est de limiter le champ d’application aux œuvres strictement littéraires. Le secteur "high tech", très gourmand en droits d’auteur, s’est tout de suite insurgé.
On résume : a priori favorable à une réforme, pour plus de lisibilité et de certitude juridique, le secteur craignait surtout que le projet bride l’innovation en étant éjecté du champ d’application de la loi. "
Pourtant, le Conseil d’État émet des doutes sur la question de savoir si les modifications apportées au régime auront l’effet escompté", poursuit l’avocat. De prime abord, devant la montée en puissance des montants déclarés – près de 650 millions déclarés à la fin juin 2021 (dont 180 de frais réels ou forfaitaires) –, le gouvernement s’était mis d’accord pour fermer un peu le robinet. Le budget escompté se monte d’ailleurs à 75 millions d’euros (sur un total de 120 millions en 2020).
Nouvelle mouture du texte
Dans ce contexte, "
le fait que l’avant-projet de loi ne fasse plus référence à des passages du Code de droit économique (les titres 6 et 7 dans le jargon, NdlR)
qui portent respectivement sur les programmes d’ordinateur (logiciels) et les bases de données, pourrait laisser croire que le gouvernement avait réussi à exfiltrer ce secteur du régime fiscal des droits d’auteur", poursuit Denis-Emmanuel Philippe. Le secteur craignait ne plus pouvoir payer ses chercheurs et informaticiens comme il se doit. "
On a laissé des grosses boîtes structurer toute leur politique salariale là-dessus et puis, parce qu’on chasse les euros à cause d’une gestion dramatique ces dernières années, on va chercher des euros là où il y a de l’activité", lance l’un de ses membres, remonté.
Mais il y a un mais. L’ambition originelle du législateur, qui était sans doute de vouloir exclure du régime le secteur IT (les concepteurs de programmes d’ordinateur), pourrait ne pas suffire. "
On se rend compte qu’effectivement, le système n’est pas totalement hermétique", confie une source gouvernementale. "
Le secteur IT n’est pas du tout exclu, et ne l’a jamais été", poursuit ce conseiller fiscal.
Le titre 5 du Code de droit économique vise les œuvres littéraires au sens d’une directive européenne, qui protège les droits intellectuels, et une ligne de code est une œuvre littéraire au sens de la directive."
"
En tout état de cause, et compte tenu du texte de loi aujourd’hui sur la table, aucune profession n’est exclue, et ça, on le doit au MR", confirme Matthieu Possoz, conseiller du Mouvement réformateur.
Deux limites importantes
Si la nouvelle mouture du texte laisse la porte ouverte au secteur IT pour la communication et la reproduction de ses "œuvres", en revanche, lui et toutes les autres professions n’échapperont pas aux autres "limites" posées par le gouvernement. La première est que l’avantage fiscal – une taxation à 15 % des revenus – n’est prévu que pour des revenus irréguliers : les auteurs dont la moyenne des revenus en droits d’auteur, sur les quatre exercices antérieurs, est supérieure au plafond annuel non indexé de 37 500 euros (64 000 euros aujourd’hui environ) seront exclus.
Ensuite, et cela fera plus mal encore à certaines professions, une limite concerne les "prestations-cessions". Quand un auteur est payé pour une prestation mais aussi pour la cession de ses droits, la rémunération devra au moins s’inscrire à 70 % de la rémunération totale, avec un maximum de 30 % en droits d’auteur. Cela suffira-t-il à limiter cette niche fiscale ? Réponse dans le budget 2024.