Le compte à rebours est officiellement lancé. S’il n’y a pas d’accord d’ici le 21 juillet, la réforme du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), sera, tous le disent en tout cas, renvoyée aux calendes grecques, ou au minimum à l’après-élection de 2024.
Il reste donc un peu plus de deux mois à la Vivaldi – qui abordera à nouveau le sujet ce vendredi en kern – pour valider les grands principes d’un texte qui a déjà fait l’objet d’une quinzaine des réunions depuis sa présentation en mars dernier. Texte qui, contacts pris au sein des partis de la majorité mais aussi des syndicats et de la FEB, fait majoritairement consensus contre lui.
En coulisses, certains enterrent d’ailleurs déjà cette réforme « imbuvable ». « L’accord de gouvernement prévoit seulement que nous fassions des propositions pour la prochaine législature », selon un vice-Premier qui n’y croit déjà plus.
Tout n’est cependant pas perdu, a insisté jeudi le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), à la Chambre, qui assure y croire encore : « Oui, la thématique est sensible puisqu’il s’agit de l’argent du citoyen et il est logique que des partis différents aient des opinions différentes. Mais cette réforme est cruciale et tous les partis ont en commun de vouloir mieux récompenser les personnes qui travaillent, qu’il y ait plus de personnes qui travaillent et que chacun apporte sa contribution de manière équitable. »
Pour espérer y arriver, voici les principaux nœuds à dénouer d’ici l’été…
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La philosophie de la réforme. Contrairement à ce qu’affirme le Premier ministre, tous les partis ne sont pas sur la même longueur d’onde, loin de là. Stimuler et récompenser le travail OK, mais…
À gauche, au PS et chez les verts surtout, on n’est pas du tout à l’aise avec l’idée d’une réforme très coûteuse de l’Impôt des personnes physiques (IPP) qui bénéficiera à tout le monde. Les socialistes, en ligne avec la FGTB, préféreraient que la réduction d’impôt soit ciblée sur les moyens et bas salaires. Ils ne comprennent pas pourquoi toute la société devrait faire des efforts (notamment via l’augmentation de la TVA, lire par ailleurs) ni pourquoi les plus hauts revenus bénéficieraient aussi de la réduction de l’IPP. D’où cette préférence des écologistes pour le crédit d’impôt qu’ils jugent bien plus équitable.
À l’inverse, à la droite de la Vivaldi, on trouve anormal que les bénéficiaires d’allocations comme le CPAS ou le chômage, ceux qui ne travaillent pas donc, bénéficient aussi des avantages de la réforme fiscale. Vincent Van Peteghem a promis qu’un mécanisme de correction serait mis en place, mais les collègues attendent de voir pour le croire…
Tant l’Open VLD que le MR ont par ailleurs posé des conditions très strictes pour avancer : une réforme du marché du travail côté francophone, une différence de minimum 500 euros net entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas pour les libéraux flamands.
Quant aux patrons, ils estiment que cette réforme fait la part trop belle à l’augmentation du pouvoir d’achat, mais néglige la compétitivité. La FEB a rédigé sa propre version qu’elle estime « raisonnable », mais son administrateur délégué Pieter Timmermans en réserve l’exclusivité « aux ministres intéressés ».
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L’impact sur la TVA. Même s’ils parviennent à s’accorder sur la philosophie de la réforme, les partis de la Vivaldi devront ensuite trancher sur les moyens de la financer. L’un des principaux leviers prévus par Vincent Van Peteghem est de remonter le taux réduit de TVA de 6 à 9 % (qui touche notamment l’alimentation), avec des exceptions comme les fruits et légumes ou les transports en commun qui baisseraient à 0 %.
Si on se montre plutôt ouvert du côté de l’Open VLD, tant le MR que la gauche se montrent dubitatifs. C’est même un « non » catégorique pour Vooruit. « Le problème c’est qu’on finance une réforme qui bénéficie au travailleur par une réforme qui coûte à tout le monde, donc aussi aux pensionnés », ajoute un vice-Premier. « Or, on n’a toujours pas reçu de réponse du ministre des Finances quand on lui demande l’impact par décile de cette harmonisation de la TVA sur les différents types de revenus. »
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L’impact sur les entreprises. Les patrons, qui ont l’oreille des partis libéraux, estiment que le ministre Van Peteghem veut leur faire payer une trop grande partie de l’addition. Directement, via la réforme de la déduction des revenus définitivement taxés (qui concerne les bénéfices et dividendes versés par une filiale) et l’introduction d’un impôt minimum pour les multinationales dont la Belgique attend, en régime de croisière, 750 millions en rythme annuel – mais dont la moitié de cette somme a par ailleurs déjà été utilisée pour boucler le dernier contrôle budgétaire. Mais aussi indirectement. La FEB épingle ainsi la hausse de la TVA qui doperait, via l’indexation automatique, les salaires ; mais aussi la taxation des certains « outils de gestion des ressources humaines », comme les stock-options.
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L’impact sur les régions et les communes. Vincent Van Peteghem a promis – et c’est une condition pour tous les partis de la Vivladi – que sa réforme serait neutre budgétairement. On l’a dit, c’est mal parti vu que certaines mesures ont été utilisées pour boucler le dernier contrôle budgétaire.
Par ailleurs, le ministre n’a pas promis qu’il n’y aurait pas d’impact pour les Régions et les communes dont une partie des ressources financières est issue de l’impôt sur les personnes physiques, précisément celui qui doit baisser grâce à la réforme…
La Flandre a déjà fait savoir que cela lui coûterait 700 millions d’euros en rythme de croisière tandis que la Wallonie s’attend à un manque à gagner compris entre 250 et 300 millions. D’où le grand « non » du ministre président wallon, PS on le rappelle. Cette semaine, les communes sont également montées au créneau, exigeant que l’impact de la réforme sur leurs budgets soit neutralisé.
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Des estimations trop généreuses ? Le tableau budgétaire de la réforme fiscale présenté par le ministre Van Peteghem a été analysé sous toutes ses coutures par les experts des différents partis ces dernières semaines. Il nous revient que plusieurs ont émis des doutes vis-à-vis de certaines mesures censées rapporter beaucoup d’argent comme la numérisation des factures TVA. Rapportera-t-elle réellement 425 millions d’euros en 2026 ? Mystère, estiment certains.
D’autres, surtout à gauche mais la FEB aussi, trouvent également hasardeux de compter sur plusieurs centaines de millions « d’effets retours » théoriquement rapportés par la mise en place de cette réforme. Les patrons, notamment, reprochent au ministre d’avoir sous-estimé l’impact négatif de la hausse de la TVA sur la consommation et partant sur l’activité économique.
Si Vincent Van Peteghem veut convaincre ses partenaires, il va devoir commencer par les rassurer