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La sortie du nucléaire exige la construction de centrales au gaz. La Wallonie accorde les permis, mais la Flandre s’y refuse. Au grand dam des industriels du nord du pays qui n’imaginent pas un instant de dépendre énergétiquement des Wallons. La N-VA, cette fois, est dans leur viseur.
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La chronique «#visapourlaflandre»: alleï! La Wallonie maître de l’énergie?
La sortie du nucléaire exige la construction de centrales au gaz. La Wallonie accorde les permis, mais la Flandre s’y refuse. Au grand dam des industriels du nord du pays qui n’imaginent pas un instant de dépendre énergétiquement des Wallons. La N-VA, cette fois, est dans leur viseur.
Par
Béatrice Delvaux
Editorialiste en chefLe 8/09/2021 à 14:35
C’est le branle-bas de combat. On a beau prendre le problème par tous les angles, on n’en croit pas ses yeux au nord du pays : le port d’Anvers pourrait dépendre bientôt exclusivement de la Wallonie pour son approvisionnement en énergie ? Les fleurons de l’industrie flamande, le cœur de l’économie du nord du pays entre les mains, et donc otages du sud du pays ? Mais comment est-ce possible ? En Flandre, on ne trouve pas cela comique du tout et c’est jusqu’au plus haut niveau de l’establishment que l’on craint ces transferts qui pour une fois iraient du sud vers le nord. La pression est désormais maximale pour éviter ce scénario de cauchemar.
Mais donc oui, comment est-ce possible ? Les Wallons n’y sont pour pas grand-chose, ce sont les Flamands, et singulièrement leur gouvernement, et encore plus particulièrement la N-VA qui a la haute main sur la Région et l’énergie, qui sont en train de se tirer une balle dans le pied. En cause ? La fermeture du nucléaire exige la construction de centrales au gaz pour garantir la sécurité d’approvisionnement du pays, mais alors que les Wallons ont déjà accordé les permis de bâtir pour trois centrales sur leur territoire, la Flandre, elle, est n’est nulle part. Par sa propre volonté.
Cela ne bloque pas chez les Verts ou les militants environnementalistes, soucieux du CO2 additionnel généré par ces centrales au gaz mais chez Zuhal Demir, la ministre N-VA de l’Energie qui rechigne à accorder les fameux permis. Certains la soupçonnent d’être en mission commandée de son parti qui espère faire échouer depuis le gouvernement flamand la sortie du nucléaire décidée au fédéral par la Vivaldi mais que la N-VA avait réussi à bloquer au temps de la suédoise.
Les patrons montent au créneau
Mais ce suspense prolongé n’est plus du tout du goût des patrons flamands qui sont montés cette semaine au créneau. On sentait l’agacement monter, avec des éditorialistes du nord du pays qui pointaient la semaine dernière ce scénario de « dépendance wallonne ». Mais ce mardi, c’est le président du Voka, Wouter De Geest qui a tapé du poing sur la table lors d’une interview accordée au
Tijd et au
Morgen. Ce grand patron flamand ne se prononce pas pour ou contre le nucléaire – « le mix énergétique est une décision politique. Mais celle-ci doit répondre à trois critères : durabilité, compétitivité, sécurité d’approvisionnement » – mais surtout il exhorte le gouvernement fédéral et la région flamande à enfin trancher, et vite : « Soyez clairs sur la décision finale. Venez avec une roadmap, rendez toutes les données publiques et ne présentez pas votre préférence comme meilleure qu’elle ne l’est. (…) Une décision prise dans une arrière-cuisine va créer plus de résistance dans une population qui ne comprend pas pourquoi elle ne peut plus utiliser de convecteurs à gaz alors que le gouvernement peut construire des centrales à gaz. » Mais pour Wouter De Geest, il faut en finir avec la paralysie : il y a eu assez d’études, il faut arrêter avec les différences idéologiques. Tranchons !
Et le communautaire dans tout cela ? Il est en filigrane de la sortie patronale. S’il appelle à ne pas faire de cette histoire une affaire communautaire, le président du Voka, par ailleurs ex-patron de BASF, l’une des perles industrielles du port d’Anvers, n’aime visiblement pas du tout l’idée que la Wallonie détienne les clés de l’énergie du nord du pays. « La production locale est très importante pour l’industrie et l’impact sur les prix. S’il y a des centrales à gaz en Wallonie, elles doivent aussi exister en Flandre près de l’industrie. Les demandes de permis doivent être regardées avec un esprit critique mais sans biais. Si le cadre des permis se détricote, la confiance dans chaque investissement va se réduire. Tout le monde tient à la légalité et j’ai confiance que la ministre la respectera ».
« Le Flamand est mon patron »
Pression maximale soudain sur Zuhal Demir, une ministre de l’Energie reconnue comme une politicienne redoutable mais au parler cru. Samedi matin, elle avait ainsi déclaré littéralement sur les ondes de Radio 1 que la politique énergétique belge était « gewoon kut », comprenez « tout à fait conne », visant spécifiquement l’arrêt du nucléaire et la construction de centrales au gaz. Ce mardi, en réponse à Wouter De Geest, elle a opté pour une pirouette – « heureusement, c’est le Flamand qui est mon patron » –, clin d’œil à une déclaration restée célèbre de Bart De Wever qui avait déclaré il y a quelques années que « le Voka était son patron ».
Une alliance inédite
Le résultat de tout ceci est une alliance très inédite en Flandre entre les patrons tout-puissants et la ministre fédérale Groen de l’Energie, qui ne demande pas autre chose que cet alignement cohérent du monde politique sur les décisions prises lors de la formation de la Vivaldi, mais aussi par une palanquée de gouvernements précédents. Ce duo « Voka-Groen » se trouve frontalement opposé à la N-VA et aussi au MR où Georges-Louis Bouchez a relancé récemment le débat idéologique sur le nucléaire et fustigé les centrales au gaz.
Un troisième risque d’explosion
Et sur le fond, c’est grave, Docteur, si l’industrie flamande n’a pas son énergie à portée d’usines ? Techniquement et financièrement, pas du tout, analysaient ce mercredi des professeurs d’université dans
De Standaard : les industries doivent surtout se trouver là où se croisent les réseaux de gaz et à haute tension. Politiquement par contre, ajoutait le journal c’est autre chose. La construction des centrales électriques est liée aux moyens dégagés pour la relance par l’Europe, qui risquent dès lors d’aller totalement vers la Wallonie. Un argument qui s’ajoute au refus de lier son sort industriel au sud du pays.
Aux « Pensions » et à l’« Emploi », il faut donc ajouter « Énergie/nucléaire » comme troisième risque d’explosion de cette rentrée politique.