Trump est de retour pour le meilleur, mais surtout pour le pire
THIERRY BRECHET
UCLouvain
Trump s’attaque aussi désormais au Parti républicain et prépare, plus ou moins discrètement, son grand retour.
Dans Le Figaro du 6 juin dernier, on pouvait lire que l'ancien président américain a prononcé le samedi soir, lors de la convention républicaine de Caroline du Nord, « un discours qui ressemblait assez à celui d'une campagne électorale ».
Dans sa deuxième allocution publique depuis la fin de son mandat, Donald Trump a décrit la situation actuelle des États-Unis comme catastrophique, vanté ses propres réalisations lorsqu'il était à la Maison-Blanche, et, bien sûr, répété que l'élection de 2020 avait été une vaste fraude. «Notre pays est en train d'être détruit sous nos yeux», a dit Trump. «Les démocrates radicaux veulent détruire la liberté de parole, la religion, et vous prendre vos armes».
Il faut bien interpréter les propos de Trump. Quand il parle des « démocrates radicaux », il pense en réalité : « communistes ». Autrement dit, des « anti-démocrates » car, à ses yeux, les seuls vrais démocrates sont les républicains. Trump vit-il toujours à l’époque de la guerre froide ? N’a-t-il pas encore compris qu’il a perdu les élections présidentielles de 2020 ? Manifestement, non. Ignore-t-il toujours que la majorité de la population américaine parle espagnol et que l’essentiel de la richesse de son pays provient de l’immigration ? Manifestement, non.
Reprenons ses termes.
« Détruire la liberté de parole » ? C’est une firme privée (en l'occurrence Facebook) qui a décidé de fermer son compte parce qu’il violait les règles de la liberté de parole (la diffusion de fake news et l’incitation à la violence, notamment). Alors si « détruire la liberté de parole » signifie ne pas avoir le droit d’inciter à attaquer le Capitole et raconter des bêtises à tout va, c’est à ne plus rien y comprendre.
La « religion » ? Pour Trump, la religion, c’est simple - comme toujours avec lui - c’est le catholicisme. Blanc, évidemment. A nouveau, suivant son idéologie ce sont les « démocrates radicaux » qui veulent « détruire » la religion, autrement dit, pour lui, détruire la religion catholique blanche. Nous ne sommes décidément pas très loin du suprématisme blanc. Car pour Trump, préserver la religion ne signifie rien d’autre que préserver le catholicisme blanc. Les autres religions ne valent rien à ses yeux.
Vivez armés, vivez heureux
Quant aux « armes » évoquées (« les démocrates radicaux vont vous prendre vos armes »), je crois qu’il n’est pas nécessaire de s’étendre sur le sujet. Sauf qu’à cet égard également, cela dénote bien la mentalité du personnage. Vivez armés, vivez heureux, telle est la mentalité de Trump. Cela se passe de commentaires.
On peut ainsi légitimement se poser la question : dans quel monde veut-on vivre ? Un monde blanc, avec une religion unique et des armes à feu ? Voilà en tout cas le monde idéal selon Trump, comme il l’a clairement confirmé lors de cette convention en Caroline du Nord.
La richesse de nos pays européens, en particulier la Belgique, c’est d’être ouverts à toutes les cultures, à toutes les religions, d’être polyglottes et pacifistes. Tout l’inverse de ce que défend Trump, qui va toujours un cran plus loin. Entre autres déclarations fracassantes devant le Grand Old Party, il a notamment demandé que tous les pays se coalisent pour exiger 10 milliards de dollars de dédommagement à la Chine pour les dommages causés par le covid.
Les adversaires sont mis au pas
Et puis, en coulisses, l’ancien président prépare aussi activement son retour en supprimant ses adversaires potentiels au sein du parti républicain. Il a ainsi récemment cadenassé plusieurs leaders parlementaires. Par l’intermédiaire de Kevin McCarthy, le chef de la minorité républicaine à la Chambre des représentants, il a écarté l’élue du Wyoming Liz Cheney, qui dénonçait la transformation du parti républicain en une secte vouée au culte de Trump. Un vote interne l'a éjectée de son poste de numéro 3 du groupe parlementaire…
Bref, non content de s’attaquer à la Chine, au Mexique, à l’Europe parmi tant d’autres, Trump s’attaque aussi désormais au Parti républicain et, on l’a compris, prépare, plus ou moins discrètement, son grand retour. Pour le meilleur mais surtout pour le pire.
Thierry Brechet
Professeur d’économie de l’environnement à la Louvain School of Management UCL