""« L’écriture inclusive déforme la langue française »
Les détracteurs de l’écriture inclusive considèrent qu’elle renie des siècles d’histoire de la langue française, faisant fi des nombreuses évolutions linguistiques qui ont traversé les siècles.
Professeure émérite de littérature de la Renaissance, Eliane Viennot a dirigé l’ouvrage L’Académie contre la langue française (iXe, 2016), cosigné par plusieurs linguistes et sémiologues. Leur ouvrage, qui égratigne les postures « corsetées » de l’Académie française, rappelle que le français n’a pas toujours valorisé la prédominance du masculin.
« Jusqu’au XVIIe siècle, les noms des métiers et des dignités exercées par des femmes étaient au féminin », rappelle Eliane Viennot. On disait alors « charpentière », « prévôte » ou « moissonneuse ». La règle d’accord de proximité voulant que le dernier mot l’emporte, et non le masculin, était courante. Elle a, finalement, été remise en cause puis abolie par l’Académie au nom de la supériorité masculine, comme l’a édicté en 1651, le grammairien Scipion Dupleix, « conseiller du Roy » :
« Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins. »
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Selon Richard Herlin, correcteur au Monde, ces craintes de voir modifier les règles de la langue française soulignent « l’attachement de la population à celles-ci, comme s’il s’agissait d’un trésor immémoriel, alors que ce n’est pas le cas ».
Comme le relève Alain Rey dans une tribune publiée dans Le Monde, « cela fait sans doute de la peine aux professeurs de français et aux agrégés de grammaire, mais tant pis : c’est l’usage qui prime (…). Le système signifiant qu’est la langue doit être en accord avec le système auquel il renvoie. Si la réalité sociale évolue, il faut changer le système de représentation qu’est la langue. »
Le linguiste rappelle toutefois que nos habitudes de langage restent encore « empreintes » aujourd’hui d’« une idéologie antiféministe », qui a imprégné la littérature du Moyen Age. Prudent, il prévient :