La réponse courte est qu'il y a pleins de facteurs et que je ne sais pas. Ou plutôt, je ne saurais pas te pointer du doigt un facteur particulier qui expliquerait à lui seule cette différence.
Sinon, stats européennes (notre bon vieux eurostat), la Belgique est à 6.3% de chômage pour 2021.
La zone euro est à 7.4% et l'UE à 6.7%. On n'est pas le premier de la classe, mais on n'est pas le mauvais élève non plus. Bien sûr, on est assis à côté de l'Allemagne à 3.4% et des Pays-Bas à 3.1%. Mais on a la France à 7.7% et le Luxembourg à 5.4% pour nous rassurer.
On est dans la moyenne, mais on est assis à côté du "meilleur" de la classe.
Il y a aussi la question de la façon de compter. Qui on compte dans les stats et comment.
(Bureau International du Travail (BIT) : désigne comme chômeurs les personnes sans emploi qui ont activement cherché du travail au cours des quatre semaines précédentes et sont disponibles pour commencer à travailler dans les deux prochaines semaines.)
Pour le COVID, ils précisent que l'effet a été une forte augmentation des demandes d'indemnités de chômage, mais aussi une forte diminution de personnes cherchant "activement du travail", ce qui influence les stats et les différences entre ceux inscrits pour les indemnités et ceux cherchant du travail.
Donc entre en jeu ce que tu soulevais avec les contrats. "La pratique du temps partiel est également très présente dans les pays d’Europe du nord. En Allemagne notamment, les faibles taux de chômage s’accompagnent d’un recours aux contrats courts (Kurzarbeit). Et selon Eurostat, 47,6 % de la population active aux Pays-Bas occupait un emploi à temps partiel en 2020". (La Belgique serait à 23% de contrats à temps partiel).
Les Pays-Bas venaient d'un taux de chômage dans les 10% en 2014, mais la moitié de la population a un contrat à temps partiel ou un contrat court.
Effectivement, si tu ne comptes plus les gens qui ont travaillé un mois ou deux dans l'année, ça change les chiffres.
Des économistes font la critique en Allemagne que le coût social a été excessif pour maintenir ces bons chiffres, que ça a causé trop de pauvreté et de précarité (salaire temps plein de 720€ en 2010, baisse de salaire de 20% pour 1.6 millions de travailleurs, etc.).
Eurostat continue de préciser que les écarts s'expliquent par la flexibilité du marché du travail et la sécurité sociale.
"Dans les pays scandinaves, le modèle de flexisécurité permet de faciliter les licenciements mais offre dans le même temps une couverture assurantielle élevée couplée à une politique active d’aide au retour à l’emploi. Des facteurs qui, en temps normal, placent ces pays parmi ceux qui ont les plus faibles taux de chômage en Europe." Mais maintenant ils sont au-dessus de la moyenne européenne. Sans doute un effet COVID où tu ne sais pas remettre facilement les gens au travail.
Effectivement, en Belgique on a le problème communautaire. La flexibilité est moins grande. On a bcp de mal à envoyer le travailleur francophone en Flandre, notamment à cause de la barrière linguistique. La politique de "séparation" a aussi des effets négatifs.
Il y a eu des études aux États Unis pour comprendre pq certains travailleurs restaient dans les zones sinistrées économiquement plutôt que de partir là où il y avait plus de travail. Sur papier on est effectivement tous remplaçables, juste des chiffres à changer de place, mais dans la réalité, la flexibilité est moindre. Sans compter les raisons non rationnelles (mais si ça va reprendre ici, on va rouvrir "X", je vais attendre encore un petit peu).
La sécurité sociale peut aussi jouer un rôle "négatif" où la personne va essayer de trouver un meilleur job plutôt que de prendre le premier truc venu pour ne pas se retrouver à la rue. Ça a une influence. Il y a tjs le fameux exemple de la femme qui accouche sur son lieu de travail car elle n'a financièrement pas le choix de faire autrement.
La façon dont on organise le retour au travail aussi. Quels sont les moyens que la sécurité sociale met en oeuvre pour remettre les gens sur le marché de l'emploi (ou pour virer les gens de la sécu).
De manière générale, les écarts entre pays peuvent s’expliquer par une flexibilité du marché du travail différente. Un paramètre également lié à la qualité de la protection sociale.
Ensuite, chaque pays à ses "zones sinistrées". Le nord de la France, le sud de l'Italie, l'Allemagne de l'est (plus du double du chômage que la moyenne nationale malgré les investissements massifs pour le développement) et sa région de la Ruhr (ancienne zone sidérurgique). C'est pas idyllique partout dans chaque pays.
L'Allemagne subventionne encore des charbonnages pour garder de l'emploi, par rapport à ce qu'on a fait pour la sidérurgie.
Le développement économique est aussi cyclique, ça tourne entre les régions. On utilise les bénéfices de son industrie actuelle ou qui amorce son déclin pour investir dans la nouvelle industrie. Et cette nouvelle industrie, on la construit où il y a de la place et un potentiel de développement. Tu ne détruits pas ton industrie actuelle pour la remplacer, tu as tjs un moment de coexistence. Et ensuite le cycle recommence avec la nouvelle industrie qui permet d'investir dans la suite.
Il y a une question de marché. C'est bien de se comparer à l'Allemagne, mais c'est le 4e puissance économique mondiale et le 3e exportateur mondial.
C'est une énorme industrie d'exportation qui a besoin de main d'oeuvre (bon marché de préférence).
C'est un marché qu'on n'a pas en Belgique. Je dirais même plus, c'est une concurrence qu'on ne peut pas faire.
Question de marché intérieur aussi, on est p-e proche de notre capacité actuelle. Si t'as besoin de produire 100, que chaque employé te produit 25 ... tu ne vais pas engager de 5e employé pour ses beaux yeux. Tu n'en as pas besoin.
Jusqu'il y a peu, la Belgique était un des pays les plus productifs d'Europe(? si je ne me trompe). Si tu fais plus avec moins ...
Et enfin (car il faudrait que je commence ma journée tout doucement), tu as aussi sans doute des phénomènes socio-culturels. Tout le monde n'a pas la même approche du travail. Je conçois parfaitement que certaines personnes n'ont pas envie de travailler ou ne pensent pas pouvoir un jour accéder au travail. Je vais dire "et les fraudeurs", mais souvent on se concentre uniquement là-dessus alors que c'est un phénomène marginal.
On en parlait hier en réunion de la différence de mentalité entre les Pays-Bas et la Belgique sur les conditions de protection de la vie privée (application RGPD, etc.). Ils n'ont pas du tout la même approche et pleins de données sont publiques chez eux, mais qu'on imagine mal de le faire chez nous.
Donc on envisage bien des cultures qui ont des mentalités différentes concernant l'approche du travail.
Enfin bref, pleins de paramètres.
Sans que ce soit la solution universelle pour la Belgique, je pense qu'on devrait atténuer cette mentalité séparatiste et permettre plus d'échanges entre les deux régions linguistiques. Si déjà on avait une politique d'emploi un peu plus nationale en poussant le bilinguisme pour aller chercher les opportunités de l'autre côté de la frontière linguistique, ce serait déjà un pas en avant.
On est un petit pays, parfois mentalité de village, on n'aime pas se déplacer, mais toutes proportions gardées, la Flandre n'est pas si loin. C'est pas comme envoyer un valenciennois à Toulouse.
Edit : et effectivement, pour tous les "diminueurs" de salaire, seriez-vous prêts à baisser votre salaire de 10-20% (comme l'Allemagne) pour avoir un plein emploi en Belgique ?
Vu le tollé sur les voitures de société, j'ai du mal à le croire.
Quel sacrifice êtes-vous prêt à faire ? Ou est-ce le coût du chômage ne semble plus si élevé face à cette perspective ?