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Réforme des droits d'auteur: "Si elle avait été faite il y a 5 ans, Odoo n'existerait plus"
Fabien Pinckaers a vu sa société, Odoo, couronnée d'entreprise de l'année 2021. ©ANTONIN WEBER / HANS LUCAS
FREEK EVERS
Aujourd'hui à 10:14
Maintenant que la question des droits d'auteur est close, les sociétés en croissance du secteur IT partent à la conquête des talents étranger. "S'ils ne peuvent pas venir ici, nous irons là-bas."
Dans un monde idéal, la licorne wallonne Odoo recruterait quelque 400 ingénieurs cette année. Le hic, c'est que chaque année, à peine 80 personnes sont diplômées de l'université la plus proche, l'UCLouvain, explique Fabien Pinckaers, fondateur et directeur général de l'entreprise de logiciels.
Il y a un déficit structurel d'ingénieurs en informatique en Belgique.
Dans un monde réaliste,
Odoo recrute donc à l'étranger. Un défi d'autant plus complexe que les entreprises de logiciels
ne peuvent plus utiliser le régime favorable des droits d'auteur.
Aujourd'hui,
40% des quelque 2.600 salariés du groupe viennent de l'étranger. "L'un des moyens pour attirer ces travailleurs informatiques étrangers dans le Brabant wallon était,
jusqu'ici, des salaires compétitifs et un régime fiscal favorable des droits d'auteur. Avec la fin de ce dernier, il sera beaucoup plus difficile pour nous de convaincre les talents de venir en Belgique", explique le CEO.
D'autres entreprises du secteur réclament aussi un allègement fiscal. Chez
Teamleader ou
Showpad, un employé sur quatre est partiellement payé via ces redevances. Chez
OTA Insight et
In The Pocket, on parle de plus de la moitié des effectifs.
Négociation politique
Le secteur technologique belge se dit déçu de voir que
le dossier des droits d'auteur a fait partie d'un marchandage politique visant à réduire le budget. À l'automne 2022, Vincent Van Peteghem (CD&V), ministre fédéral des Finances, expliquait à plusieurs entrepreneurs technologiques que le régime favorable aux développeurs de logiciels pourrait être supprimé "à condition que la mesure s'inscrive dans le cadre d'une vaste réforme fiscale qui ne fasse pas perdre de compétitivité aux entreprises de croissance."
Au final, le régime favorable a été supprimé, mais
la grande réforme fiscale ne s'est pas concrétisée. Les libéraux francophones s'y sont encore opposés. Le MR a exigé, en partie à la demande d'Odoo, que le secteur technologique puisse encore bénéficier du régime favorable. Cette semaine, le texte juridique a été clarifié.
Les dispositions relatives au développement de logiciels ne seraient plus incluses.
"Les scale-ups du futur sont écrasées"
"Nous sommes donc obligés de rechercher davantage de talents pour nos divisions étrangères", explique Pinckaers. "Pour une entreprise comme Odoo, ce n'est pas un problème." Aujourd'hui, la moitié des 2.600 employés d'Odoo
travaille en Belgique. Un nombre appelé à se réduire.
L'entrepreneur wallon
s'inquiète davantage pour les petites entreprises informatiques à fort potentiel. "Si le gouvernement nous avait fait ça il y a cinq ans, Odoo n'existerait probablement pas. Il existe un joli dicton pour cela: tuer le bébé dans l'œuf. Les scale-ups du futur sont écrasées de cette façon."